mardi 26 avril 2011

Le Canadien va-t-il mourir dans les tranchées ?

La chronique de Martin Leclerc
Dimanche, 24 avril 2011 12:30
Si les Bruins de Boston étaient militaires, ils formeraient un bataillon de fantassins qu’on enverrait se battre au corps à corps dans les tranchées, pour éliminer les soldats ennemis un à la fois, à grands coup de baïonnettes.
Le Canadien, lui, serait un peu plus sophistiqué : invasion rapide du terrain, attaque surprise ou embuscade, et retour à la maison avant même que le message contenant tous les détails de la mission s’auto-détruise.
Le problème du Canadien depuis deux matchs, c’est que les hommes de Jacques Martin sont pris dans les tranchées. Claude Julien et les Bruins sont parvenus à les emmener sur leur terrain et à leur imposer un style de jeu qui n’est pas le leur, particulièrement devant le filet de Carey Price.
Si on additionnait la distance parcourue par la rondelle lors des cinq derniers buts marqués par les Bruins dans cette série (les trois derniers filets du quatrième match et les deux buts du cinquième match samedi soir) nous n’atteindrions probablement pas un total de dix pieds.
– Jeudi soir au Centre Bell, Chris Kelly a échappé à la surveillance de Brent Sopel alors que ses patins touchaient presque au demi-cercle de Price. Kelly a créé l’égalité de 3-3 en poussant le disque sans être inquiété.
– Après le but de Kelly, toujours dans le match 4, Patrice Bergeron a été mal couvert par Scott Gomez alors qu’il était posté au pied du filet. Price n’a rien pu faire.
– Et en prolongation, Michael Ryder était fin seul devant le filet lorsqu’il a capté la passe de Kelly pour mettre fin au match.
– Samedi soir, Brad Marchand était posté à la droite de Carey Price, suffisamment près pour que le gardien sente son haleine, quand Tomas Plekanec a décidé de bifurquer au lieu de rester à ses côtés pour le surveiller. Laissé seul, le jeune attaquant des Bruins a inscrit un but facile.
– Puis en deuxième prolongation, c’est Nathan Horton qui a été échappé par Roman Hamrlik alors que ses deux lames de patins étaient tachées de peinture bleue. Price n’a rien pu faire quand Horton s’est emparé d’un retour.
L'action se déroule tout près de Carey Price depuis quelques matchs. Photo Pascal Ratthé
Investis totalement
Ironiquement, après la défaite de samedi soir (qui procurait l’avance aux Bruins pour la première fois dans cette série), tout le monde ne parlait que des arrêts effectués par Michael Ryder (du gant droit, alors qu’il s’était transformé en gardien de fortune) aux dépens de Tomas Plekanec et de Zdeno Chara (qui a bloqué un tir avec une jambe dans la zone du gardien) en prolongation contre Michael Cammalleri.
Ces deux jeux inusités illustrent à quel point les Bruins sont désormais plongés et totalement investis dans leur guerre de tranchées. Et aux deux extrémités de la patinoire.
Depuis son arrivée dans la LNH, Ryder est considéré comme une plaie quand son équipe se retrouve en défense. C’est un franc-tireur nettement au-dessus de la moyenne. Mais en défense, c’est franchement so-so. Que faisait-il dans le demi-cercle de son gardien en position de gardien en première période ?
Ryder n’est pas le seul à se comporter de cette façon. Plus le match de samedi soir avançait, particulièrement en prolongation, plus les joueurs du CH avaient de la difficulté à s’aventurer dans l’enclave pour s’emparer de la rondelle sans être repoussés par trois ou quatre joueurs des Bruins.
Le Canadien, qui vit de finesse et de vitesse et qui aime profiter des prouesses de ses unités spéciales, est maintenant plongé dans une série abrasive.
L’espace et le temps de réaction sont réduits au minimum et les arbitres, soudainement, n’ont plus d’hélium dans les bras. Pas moins de 18 pénalités mineures ont été décernées dans les six périodes des matchs 2 et 3. Et seulement dix mineures ont été appelées dans les sept périodes et demie des matchs 4 et 5.
Il n’y a rien de surprenant là-dedans. C’est le hockey de la LNH. Quand l’élimination d’une équipe est en jeu, les arbitres y pensent par deux fois avant d’appeler une pénalité. C’est ancré dans leur code génétique. Ils préfèrent laisser les joueurs régler la question mano a mano.
Les joueurs du Canadien font preuve d’une extraordinaire détermination et d’une admirable combativité dans cette série. La question est maintenant de savoir s’ils sont capables, aussi amochés soient-ils, de remporter deux matchs de suite dans les tranchées.
« Il va falloir se regrouper », disait Hal Gill samedi soir.
Si regroupement il doit y avoir, je propose qu’il se fasse dans un rayon de deux pieds autour de Carey Price.