vendredi 18 mars 2011

Amphithéâtre de Québec — Un marché tertiaire sur l'échiquier nord-américain

http://ruefrontenac.com/spectacles/industrie/34949-colisee-pkp-labeaume-quebecor

Spectacles - Industrie culturelle
Écrit par Philippe Rezzonico   
Vendredi, 18 mars 2011 00:09
Mise à jour le Vendredi, 18 mars 2011 00:17
Advenant le retour des Nordiques, le marché de Québec demeurera le plus petit de la Ligue nationale de hockey. Dites-vous que ce n’est pas différent pour l’offre spectacles. La Communauté métropolitaine de Québec compte 727 445 résidents en regard des 3,859  millions de personnes qui composent celle de Montréal.*

Il est presque injuste de comparer les marchés des deux villes, au même titre qu’il est utopique de penser que toutes les tournées internationales vont s’arrêter au Colisée.
Personne ne doute que Quebecor sera très active avec sa nouvelle division spectacles. C’est dans le genre de la maison. D’autant plus que Pierre Karl Péladeau peut compter sur des alliés indéfectibles comme le tandem Dion-Angélil. Pariez que Céline sera la première artiste à se produire dans le nouveau Colisée en 2015 et que l’expertise de son mari sera fort bienvenue.
N’empêche, Québec demeurera un marché secondaire, voire tertiaire, sur l’échiquier nord-américain, à côté des mégalopoles que sont New York, Chicago, L.A. ou Toronto (plus de cinq millions de résidents en zone métropolitaine) et les gros marchés que sont Boston, Montréal ou San Diego (minimum, deux millions d’âmes).
Ottawa vs Québec
À titre comparatif, il faudrait plutôt lorgner du côté d’Ottawa, une ville, comme Québec, qui repose sur une population œuvrant dans la fonction publique. C’est bien la seule similitude. La région d’Ottawa-Gatineau compte près du double d’habitants que celle de Québec (1,3 million d’habitants), le domicile des Sénateurs (Scotiabank Place) a été érigé la même année que le Centre Bell (1996), et la ville est située à mi-chemin entre Toronto et Montréal, en plein sur le chemin naturel des tournées de spectacles.
Metallica et d'autres groupes de métal lourd dont la province raffole pourraient bien faire le plein de spectateurs à Québec, mais qu'en est-il des groupes de niche? Photo Rogerio Barbosa
Malgré tous ces avantages, Ottawa n’a guère présenté plus de spectacles que Québec sur une période de huit mois et beaucoup moins que Montréal (voir tableau). Ce qui prouve que même avec un aréna moderne, la venue d’une tournée n’est jamais une certitude.
Par exemple, pour sa virée estivale qui passera à Montréal et à Ottawa cet été, Katy Perry se pointe à Cleveland, mais fait impasse sur Baltimore et Kansas City. L’aréna 1st Mariner de Baltimore a pourtant été désigné comme le préféré des tournées par le magazine Billboard en 2009, et le Sprint Center de Kansas City est tout neuf, puisque construit en 2007. Notons que les amphithéâtres des deux villes n’abritent pas d’équipe de la LNH ou de la NBA.
On le répète, la certitude n’existe pas dans le marché des tournées internationales, surtout avec deux producteurs mondiaux tels Live Nation et AEG, qu’on retrouve derrière plusieurs tournées d’importance et peuvent ainsi imposer des tas de conditions aux promoteurs locaux.
Parfois, le profil d’un artiste et celui de son public cible pèsent lourd dans la balance. Pourquoi Tom Petty – qui a rempli le Air Canada Center de Toronto à ras bord l’été dernier – ne vient plus à Montréal depuis plus de 20 ans ? Parce que sa base francophone n’est pas significative. À leurs débuts, Genesis et Supertramp faisaient accourir les foules au Québec alors qu’ils étaient pratiquement ignorés aux États-Unis. En Europe, Robbie Williams peut vous bourrer le stade de Wembley en cinq minutes. À Montréal, il ne remplirait pas le Centre Bell.
La niche
Il y a aussi une question de genres. U2 et Madonna ont un rayonnement international. Nul doute qu’ils pourraient jouer dans le nouveau Colisée, tout comme tous les groupes lourds tels Metallica. On connaît l’intérêt de la population de Québec pour ce genre musical.
Mais qu’en est-il des artistes de niche (alternatifs, hip-hop, latins) ? Peut-on croire que tous les Usher, 50 Cent, Shakira, Enrique Igliesias, Gorillaz et autres Massive Attack qui attirent des foules d’environ 10 000 spectateurs à Montréal vont faire le plein à Québec ? Ou même y aller ? Pas sûr.
L’an dernier, Alicia Keys, qui a attiré 8 000 spectateurs à Montréal, a vu son spectacle prévu au Colisée annulé. Et l’Australienne Kylie Minogue, qui a pourtant vendu 50 millions de disques, n’attire pas les foules à Montréal en vue de son spectacle du 28 avril prochain. Elle passe pourtant au Québec pour une toute première fois.
Même avec le plus bel amphithéâtre qui soit, les goûts musicaux et la démographie de la population de Québec (très majoritairement blanche et francophone) dicteront en partie le profil des artistes qui feront escale au Colisée. Et il n’est pas dit que les trajets sur l’autoroute 20 pour assister à des spectacles dès 2015 se feront tous en direction Est.

*Statistiques officielles : Communauté métropolitaine de Québec et Statistique Canada.
À lire également : Le colisée sera-t-il un mirage?
Le pour, le contre et la prise de risques