vendredi 18 mars 2011

Amphithéâtre de Québec — Le pour, le contre et la prise de risques

http://ruefrontenac.com/spectacles/industrie/34952-colisee-pkp-labeaume-quebecor



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Spectacles - Industrie culturelle
Écrit par Philippe Rezzonico   
Vendredi, 18 mars 2011 00:10
Mise à jour le Vendredi, 18 mars 2011 00:17
Comptable agréé et chargé de cours aux HEC, Pierre-Yves McSween s’est élevé contre l’entente tripartite visant la construction de l’amphithéâtre de Québec, estimant que les contribuables québécois vont en faire les frais.

Invité par Rue Frontenac à analyser l’impact du volet spectacles dans le nouveau Colisée, le comptable âgé de 32 ans pèse le pour, le contre et la prise de risques.
« L’arrivée du Colisée va créer de la compétition avec le Centre Bell, dit celui qui souligne que Pierre Karl Péladeau est un excellent homme d’affaires. Mais ça dépend si l’artiste veut de l’exposure ou du cash. S’il veut de l’exposure, il va aller dans la plus grosse ville. S’il veut de l’argent, il va prendre le meilleur deal et créer de la compétition entre les promoteurs. »
Le comptable met en garde la population face à l’implacable spectre de la rentabilité et le fait que le grand Québec métropolitain ne suffira pas à remplir le Colisée pour 42 matchs de hockey et 80 spectacles sur une base annuelle.
« Les gens ont beau dire ce qu’ils veulent, la musique, le hockey, c’est une business. C’est de l’argent. Il n’y a rien de culturel là-dedans pour le producteur. Ce sont deux colonnes de chiffres. Des revenus et des dépenses. L’artiste peut louer l’aréna (ndlr : comme le font les Stones, U2 et Madonna) et prendre le risque qu’il ne soit pas plein. Le propriétaire de l’aréna fait quand même un profit parce qu’il a fixé le prix, mais il minimise le potentiel de profit sur les groupes vraiment populaires. Si Madonna vient à Québec et que tous les billets sont vendus, elle y gagne.
« Prenons Weezer ou R.E.M., qui attirent entre 8 000 et 12 000 spectateurs. Ont-ils loué l’aréna ou demandé un prix fixe ? On ne sait pas. S’ils ont demandé un prix fixe, l’aréna va prendre le profit au-dessus de ça ou accuser la perte dans le sens contraire. »
« Je vais au Centre Bell une ou deux fois par année. Je veux que les gens soient conscients que pour remplir un aréna de 18 000 ou 20 000 personnes, ce n’est pas juste les gens de ta région qui vont y parvenir. Il faut que ça devienne un pole d’attraction. »
Pas perdre la face, ni d’argent
Toutefois, Pierre-Yves McSween croit que l’alliance entre le président de Quebecor et René Angélil va permettre de maintenir à flot le Colisée en attendant le retour des Nordiques.
« Tant qu’il n’y aura pas de hockey, ça va être déficitaire. Mais dans les deux ou trois premières années, il est possible que Quebecor donne un grand coup afin de ne pas faire de pertes. Ils pourraient tenir la finale d’Occupation double au Colisée, par exemple. La télévision est un formidable pôle d’attraction. Si on est capable de voir une ligue de garage comme celle de la série Montréal-Québec au Colisée…  À long terme, je doute fort que ça soit rentable sans équipe de hockey, mais je ne peux croire qu’ils se sont lancés dans ce projet sans espérer vraiment en avoir une. L’attrait de la population pour l’amphithéâtre, c’est le hockey. »
Le comptable est néanmoins sidéré de voir un tel projet financé par des fonds publics.
« En tant que contribuable québécois, on ne reçoit rien relativement à la portion financée par le gouvernement du Québec. Ce projet-là est un projet public. Il devrait y avoir un rendement public. Et on devrait s’interroger sur l’impact public de la province au complet.
« J’aimerais dire aux gens de Québec : votre maire vous propose du divertissement, du divertissement, du divertissement, toujours aux frais de l’État. L’amateur ne s’en rend pas compte, mais il subventionne le spectacle. Le fan qui va aller voir Madonna, j’aimerais bien que dans le prix de son billet, on calcule ce que ça lui coûte en taxes. J’aimerais qu’on ajoute sa portion en tant en contribuable québécois et en tant que payeur de taxes à Québec. Qu’il se rende compte, finalement, que ça lui a coûté pas mal cher. »
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