vendredi 8 avril 2011

Boivin pourrait-il ressusciter le hockey québécois ?

La chronique de Martin Leclerc
Mercredi, 06 avril 2011 18:31
Au même titre que le rhinocéros, le tigre de Chine ou le zèbre de montagne, le hockeyeur-québécois-de-la-LNH est une espèce en danger critique d’extinction.
À chaque printemps, quand le calendrier régulier tire à sa fin, je me précipite dans la banque de données de la LNH pour mesurer la place que les joueurs nés au Québec y occupent. Et depuis six ans, à chaque printemps, la situation est plus alarmante qu’elle ne l’était l’année précédente.
La pyramide de développement de Hockey Québec est en déroute, en faillite ou en ruine. Je vous laisse choisir le qualificatif.
En ce qui concerne la saison 2010-2011, donc, j’ai le regret de vous annoncer que nous venons d’établir un record. Seulement 36 joueurs nés au Québec ont joué de façon régulière ( 1 ) dans la LNH au cours des derniers mois. Il s’agit probablement d’une première depuis l’époque des six équipes !
Pas moins de 82 Québécois étaient employés de façon régulière dans la LNH au tournant des années 2000. On parle donc d’une débâcle qui est survenue extrêmement rapidement.
Quand j’ai tiré la première sonnette d’alarme il y a cinq ans, il ne restait plus que 49 joueurs de chez nous au sein de la meilleure ligue de hockey du monde. Entre 2000 et 2006, le Québec avait vu près de la moitié de ses joueurs disparaître de la LNH alors que la représentation des joueurs de l’Ontario ou de l’ouest du pays était restée la même.
Les dirigeants de Hockey Québec et de la LHJMQ ont alors haussé les épaules en arguant qu’il s’agissait d’un cycle et que la tendance allait inévitablement être inversée.
Mais ce n’était pas un cycle. Et ce n’est toujours pas un cycle. Les statistiques étaient claires à l’époque et elles le sont encore : c’est une tendance lourde qui se perpétuera encore pendant plusieurs années.
Facile à expliquer
Et c’est assez facile à expliquer.
Parmi les 36 Québécois qui évoluent régulièrement dans la LNH, les joueurs de plus de 30 ans sont les plus nombreux. Ils représentent 39 % du groupe. En revanche, il n’y a jamais eu aussi peu de jeunes Québécois dans la ligue. Cette saison, seulement 10 Québécois de 25 ans et moins ont disputé au moins la moitié des matchs de leur équipe. C’est une baisse de 33 % par rapport à l’an dernier.
Quand des joueurs comme Mathieu Darche, Martin Brodeur ou Jean-Pierre Dumont tireront leur révérence, ils ne seront donc pas remplacés dans cette pyramide démographique inversée.
Il suffit de combiner ces chiffres avec les récentes performances du Québec au repêchage de la LNH pour comprendre que la cavalerie ne s’en vient pas. Alors qu’il semblait inépuisable il y a 10 ou 15 ans, le réservoir de talents québécois s’écoule désormais au compte-gouttes.
2010 : la pire récolte de l’histoire
Au cours des cinq dernières années, le Québec a connu un seul repêchage respectable. Et en juin dernier, on a atteint le fond du baril quand seulement 13 joueurs du Québec ont été sélectionnés par les 30 équipes de la LNH. Il s’agissait de la pire récolte de l’histoire. Et pour comble, il a fallu attendre jusqu’au 67e rang, en troisième ronde, pour qu’un premier Québécois soit appelé.
Dans cinq ou six ans, il est donc tout à fait probable qu’il ne reste que 24 ou 25 joueurs du Québec dans la LNH. Vingt-cinq Québécois qui seront noyés dans un contingent de 300 joueurs canadiens !
Comment se peut-il que Hockey Québec, qui est la deuxième fédération de hockey en importance au Canada et la quatrième (en matière d’effectifs) dans le monde ( ! ) produise des résultats aussi mauvais ? Comment se fait-il que les Russes, avec un effectif légèrement inférieur à celui de Hockey Québec, soient capables de faire fonctionner une ligue professionnelle à eux seuls et de produire, en plus, des supervedettes pour la LNH ? Et que dire des Suédois, qui font la même chose avec 66 % du membership qu’on retrouve au Québec ?
Après le catastrophique repêchage de l’été dernier, le commissaire de la LHJMQ, Gilles Courteau, s’était avancé sur la place publique pour demander que soient organisés des états généraux sur le hockey. Le directeur général de Hockey Québec, Sylvain Lalonde, s’était alors timidement prononcé en faveur d’une telle initiative « à condition que les états généraux ne deviennent pas le procès de Hockey Québec ».
Comment peut-on espérer avancer dans ces conditions ? Si la cuisine d’un restaurant est mauvaise, comment peut-on corriger la situation sans remettre en question les recettes du chef ?
Ces états généraux doivent absolument avoir lieu ! Encore faut-il quelqu’un de crédible pour les présider et pour proposer une nouvelle direction.
Si j’étais le ministre québécois responsable du Loisir et du Sport, je décrocherais le téléphone et je composerais le numéro de Pierre Boivin, qui s’apprête à abandonner la présidence du Canadien, et je le supplierais de consacrer quelques mois de sa vie à la restructuration et à la relance de notre sport national !
Les dix dernières années l’ont clairement démontré : les changements qui s’imposent ne surviendront jamais, à moins de provenir de l’extérieur des cadres de Hockey Québec.
( 1 )   Sont considérés comme ayant évolué de façon régulière les joueurs qui ont disputé au moins 41 des 82 matchs de leur équipe.