mercredi 23 mars 2011

Québec bouge, Montréal dort



On pourrait croire que les gens de Québec se garderaient une petite gêne après avoir arraché au gouvernement du Québec 200 millions pour la construction d'un nouvel amphithéâtre.

Détrompez-vous! Pas question d'attendre avant de solliciter de nouveaux fonds publics pour améliorer les infrastructures sportives de la Vieille Capitale.

La Ville de Québec planche en effet sur la construction d'un anneau de glace couvert, un projet de 85 millions. Le complexe accueillerait un tracé de 400 mètres pour le patinage de vitesse longue piste, à l'intérieur duquel deux patinoires de dimension olympique seraient érigées.

Équipe Québec, le groupe responsable d'obtenir des événements sportifs internationaux, a déjà soumis son rapport à Sam Hamad, le ministre responsable de la région. Les deux parties se rencontreront dans les prochains jours afin de poursuivre l'étude du dossier.

Ce nouvel équipement remplacerait l'anneau Gaétan-Boucher, dont la désuétude ne pas fait honneur au grand champion qui lui a donné son nom. «La dalle est affaissée et le système de réfrigération ne rencontre plus les normes environnementales, explique Claude Rousseau, président d'Équipe Québec. Le nouveau complexe servirait aussi aux épreuves sur courte piste, au patinage artistique et à la ringuette.»

Québec possède plusieurs atouts pour mener le projet à bien. Patinage de vitesse Canada, l'organisme qui chapeaute ce sport au niveau national, milite activement en faveur de la construction. «Il faut un anneau dans l'Est du Canada. La ville de Québec, compte tenu de sa riche tradition dans ce sport, constitue le choix naturel pour l'accueillir», affirme John-Paul Cody-Cox, chef de la direction de l'organisme.

Le Comité olympique canadien appuie aussi l'idée, tout comme Jean Charest.
Au début du mois, le premier ministre a répété sa déception devant le refus du gouvernement Harper d'appuyer la construction du nouveau Colisée. «S'il ne le fait pas pour l'amphithéâtre, il a une occasion de le faire pour d'autres projets. Je pense à l'anneau de glace, par exemple», a-t-il dit à La Presse Canadienne.
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Pendant qu'à Québec les forces vives font bouger les choses, Montréal dort d'un sommeil profond. Cela est franchement désolant.

Comment expliquer pareille inertie? Il semble que Montréal n'ait pas réussi à se relever de deux traumatismes survenus au cours des dernières années: le feuilleton du Grand Prix du Canada et la saga des Championnats du monde aquatiques.

Dans les deux cas, Montréal est venu près de perdre ces événements prestigieux. Ce n'est qu'au prix de mille contorsions, et dans un climat d'urgence frôlant la panique, que des solutions ont été trouvées.
Mais ces affaires ont manifestement laissé des traces. Ayant déjà du mal à protéger les acquis, la Ville et son maire sont incapables d'imaginer un projet d'avenir.

En 2009, un plan d'action a été proposé. Le SDCQMVDE a reçu le mandat de «recommander au conseil d'agglomération la création d'une organisation la plus pertinente ayant pour mission d'assurer le leadership et la coordination des interventions en sport d'élite à l'échelle de l'agglomération».
Ouf!

Et qu'est-ce que le SDCQMVDE, vous demandez?

Non, il ne s'agissait pas d'un mot de 50 points au Scrabble, mais du «Service du développement culturel, de la qualité du milieu de vie et de la diversité ethnoculturelle de la Ville de Montréal».
Re-ouf!

Comme l'impression qu'à Québec, on ne s'enfonce pas autant dans la structurite lorsque vient le temps d'aider le sport d'élite.
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Lorsque Jean Charest a lancé son plus récent appel à Stephen Harper, lui demandant d'appuyer le projet de nouvel anneau de glace de Québec, il séjournait... dans la grande région de Montréal!

L'ironie est tout de même fabuleuse. Puisque la Ville de Montréal n'entretient aucun projet sérieux en matière de sport amateur, et qu'on ne lui connaît aucune demande significative à cet égard, personne n'en a pris ombrage.

Pour sortir de cette inertie, le maire de Montréal aurait avantage à s'accrocher aux basques du Comité olympique canadien. Au cours des prochaines semaines, l'organisme présidé par Marcel Aubut mettra sur pied un nouveau service. L'objectif: convaincre les fédérations internationales de présenter de grands championnats dans des villes canadiennes.

Reste à savoir si Montréal acceptera de travailler en collaboration avec des gens connaissant le tabac. Pour l'instant, les informations qui circulent ne sont guère rassurantes. Consciente que Québec lui dame le pion, Montréal examinerait de nouveau, en vase clos, des pistes pour accueillir des événements internationaux.
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Les chances que Québec obtienne son nouvel anneau de glace sont très bonnes. PPP Canada, un programme fédéral de partenariats public-privé doté d'une enveloppe de 1,2 milliard, compte toujours 800 millions dans ses coffres. Les infrastructures réservées au sport amateur sont admissibles à des subventions.
Le quart de la facture pourrait ainsi être acquitté, ce qui fournirait une impulsion formidable au projet.

Et même si Patinage de vitesse Canada préférerait que le nouvel anneau soit érigé près de l'Université Laval, le maire Régis Labeaume favorise les environs du nouveau Colisée. Des économies d'échelle pourraient ainsi être réalisées, grâce à la mise en commun d'installations techniques nécessaires au bon fonctionnement des deux édifices.
Si le projet va de l'avant, il se trouvera évidemment des gens pour arguer que
Québec est trop favorisé. Claude Rousseau, d'Équipe Québec, ne s'en formalise pas. «Nous, on analyse les projets, on étudie leur viabilité et on essaie de les faire progresser.»

Très simple, en effet. Souhaitons que quelqu'un, à Montréal, prenne des notes.