dimanche 13 mars 2011

Au banc des accusés

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Yvon Pedneault
10/03/2011 06h06 


Je revois les événements de mardi soir.

 
Je revois Max Pacioretty qui donne violemment contre le poteau coussiné de la baie vitrée entre les deux bancs des joueurs. Je regarde et je regarde à nouveau.
 
C’est vrai que Zdeno Chara a l’avant-bras gauche solidement appuyé derrière la tête de Pacioretty. L’impact se produit et Pacioretty se retrouve inconscient sur la surface de jeu.
 
Le choc est terrible.
 
Par contre, je veux bien croire que Chara et Pacioretty n’entretiennent pas une grande amitié. Je veux bien croire que le défenseur des Bruins n’est pas né de la dernière pluie, mais de là à prétendre qu’il voulait blesser son rival, il y a un grand pas à franchir. Le dossier de Chara ne fournit aucun indice que le capitaine des Bruins est un joueur salaud, un joueur vicieux. On lui reconnaît un style robuste, mais il n’a pas la réputation d’un Matt Cooke, par exemple.
Ou encore d’un Chris Pronger.
 
Par conséquent, peut-on parler d’un geste prémidité?
 
Un geste prémédité dans une telle situation, ça se traduit par une menace dangereuse, une menace avec de lourdes conséquences de la part de l’agresseur. Mais allez prouver que c’était prémidité? Le défenseur des Bruins, on devait évidemment s’y attendre, s’est défendu. Selon son témoignage d’après-match, il n’avait aucunement l’intention de blesser son rival. Il voulait simplement lui appliquer une bonne mise en échec.
 
Entre vous et moi, devait-on s’attendre à ce que Chara dise que oui, il voulait l’expédier à l’hôpital avec une commotion cérébrale et une vertèbre fracturée?
 
Et était-ce vraiment son intention?
 
Chara a plaidé l’innocence.
 
Et, possiblement que les Bruins ont indiqué au comité de discipline de la Ligue nationale, mercredi, que si l’infraction avait eu lieu de l’autre côté de la surface de jeu, on aurait alors infligé qu’une pénalité mineure pour obstruction au capitaine de l’équipe.
 
Le problème, cela ne s’est pas produit de l’autre côté de la patinoire et le débat est ouvert.
 
Voulait-il délibérément écraser le visage de Pacioretty contre le poteau coussiné de la baie vitrée?
 
S’il y a un argument qu’on ne peut contester, c’est le fait que Chara est responsable de ses gestes et que, dans les circonstances, un adversaire qu’il pourchassait se retrouve sur le carreau. On pourrait mentionner que l’action posée par Chara se voulait une vengeance contre Pacioretty.
 
Mais, ce n’est que pure spéculation tant et aussi longtemps qu’on ne fournit pas les preuves évidentes des intentions de l’agresseur.
 
Je reconnais cependant que les images sont compromettantes. Celles du «Journal de Montréal» entre autres sont révélatrices, surtout au moment de l’impact, au moment où la tête de Pacioretty donne contre le poteau coussiné de la baie vitrée. Cependant, comment démontrer hors de tout doute qu’il y avait prémiditation?
 
La Ligue nationale a été incapable de faire la preuve, mercredi, et Chara a été déclaré non coupable.
 
Sans doute que le témoignage des deux arbitres, ainsi que la conversation avec Chara et les dirigeants des Bruins, ont convaincu le jury, les penseurs de la Ligue nationale : Chara avait créé de l’obstruction mais, malheureusement, le joueur des Canadiens était au mauvais endroit au mauvais moment. Mais c’est jouer à Ponce Pilate.
 
Qu’on ne soit pas parvenu à faire la preuve que Chara voulait délibérément blesser son rival, je comprends très bien. Sur ce plan, le comité du préfet de discipline a fait son boulot correctement. Mais, qu’il dégage Chara de toute responsabilité, c’est là que ça touche le ridicule.
 
Cependant, doit-on s’étonner d’un tel verdict de la part d’une ligue qui refuse de punir David Steckel pour avoir expédié Sidney Crosby à l’infirmerie? Doit-on s’étonner d’un tel verdict de la part d’une ligue qui ferme les yeux sur un coup porté à la tête par Matt Cooke à l’endroit de Marc Savard dont la carrière serait compromise? Doit-on s’étonner d’un tel verdict de la part d’une ligue qui ferme les yeux sur un coup porté à la tête de David Booth par Mike Richards? Et on pourrait ajouter que la saison de David Perron est terminée depuis le mois de novembre quand Joe Thornton lui a administré un coup de coude à la tête au moment où le joueur des Sharks quittait le banc des pénalités.
 
Qu’on soit incapable de prouver qu’il s’agissait d’un geste prémédité, c’est une chose. Ça peut toujours passer. Mais qu’on s’entête à ne pas répliquer à des attaques aussi graves que celle de Chara, mardi soir, ne fait que confirmer qu’il s’agit d’une ligue qui démontre une terrible insouciance devant tout ce qui se passe sous ses yeux.
 
J’imagine qu’en coulisses, mercredi, Jeremy Jacobs, le tout-puissant propriétaire des Bruins, membre influent du bureau des gouverneurs, a fait du lobbying pour vanter son défenseur Chara, pour démontrer qu’il avait un casier vierge et qu’il n’a créé que de l’obstruction contre Pacioretty.
Et, habituellement, les joueurs étoiles bénéficient d’une certaine immunité.
 
En conclusion, peut-on reconnaître qu’à la lumière des événements, la Ligue nationale laisse à l’Association des joueurs le fardeau de la cause. Elle dit aux joueurs de se calmer les esprits, qu’ils sont les responsables de tout ce qui se passe et qu’ils doivent prendre les grands moyens pour enrayer la violence dans le hockey professionnel.
 
Il est clair que les propriétaires ne le feront pas. Ils sont conscients dans un tel cas que le jeu est plus rapide, que les patineurs sont plus imposants, que les mises en échec, forcément, sont plus dures. Toutefois, jamais ils changeront les dimensions de la surface de jeu pour donner plus d’espace aux acteurs.

Changer les dimensions de la surface de jeu signifierait l’abolition de plusieurs sièges et ça, il n’en est pas question. Pourtant, ne s’agit-il pas d’un moyen pour assurer la sécurité des principaux actifs de l’entreprise, c’est-à-dire les joueurs qui ne sont guère plus brillants en continuant à jouer à la roulette russe? Parce qu’un jour, on va assister à un tragique incident.