vendredi 11 mars 2011

La LNH blanchit Zdeno Chara : Ottawa pourrait intervenir

http://www.ledevoir.com/sports/hockey/318441/la-lnh-blanchit-zdeno-chara-ottawa-pourrait-intervenir

Commotion cérébrale et fracture d’une vertèbre pour Pacioretty


La décision de la Ligue nationale de hockey de ne pas imposer de sanction disciplinaire au défenseur Zdeno Chara, qui a infligé avant-hier une violente mise en échec à Max Pacioretty, a soulevé la colère des partisans du Tricolore. L'affaire a aussi fait des vagues à Ottawa, où le gouvernement a qualifié d'«inacceptable» le geste du capitaine des Bruins et a promis de s'attaquer au problème.

Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a dû demander, par le biais des médias, aux amateurs de hockey de cesser de téléphoner au centre d'urgence 911, qui a été inondé d'appels d'amateurs cherchant à déposer une plainte contre le joueur des Bruins de Boston.

L'attaquant du Canadien Max Pacioretty souffre d'une commotion cérébrale et d'une fracture sans déplacement d'une vertèbre à la suite d'un coup que lui a asséné le capitaine des Bruins, Zdeno Chara, le projetant contre la bordure de la baie vitrée. «Honnêtement, je trouve ça écoeurant!», avait affirmé le président du club de hockey, Pierre Boivin, quelques minutes après l'incident.

La Ligue ne peut enfouir cette fois sa tête dans le sable, avait souligné, hier midi, l'entraîneur-chef du Canadien, Jacques Martin. «La Ligue doit examiner les différents incidents qui sont survenus [cette saison] et évaluer où se trouvent les limites acceptables, ainsi qu'étudier les répercussions graves que ça peut causer chez certains joueurs.»

Pourtant, Zdeno Chara, qui a écopé d'une pénalité de cinq minutes et d'une inconduite de partie mercredi ne sera ni suspendu ni mis à l'amende, a finalement fait savoir la Ligue nationale de hockey, hier après-midi, s'attirant les foudres d'analystes sportifs. «Ils ne sont pas à une bêtise près», a lancé Guy D'Aoust sur les ondes de RDI.

Néanmoins, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) du Québec déterminera s'il y a lieu de réclamer l'ouverture d'une enquête policière au ministère de la Sécurité publique, à moins de profiter d'une preuve amassée par les policiers du Service de police de Montréal. «Pour l'instant, nous n'avons pas fait une telle demande», a indiqué la porte-parole de la DPCP, Martine Bérubé.

«Le Code criminel prévoit des accusations possibles lorsqu'il y a des blessures sérieuses et graves qui sont causées à quelqu'un», rappelle la professeure titulaire à la Faculté de droit de l'Université de Montréal, Diane Labrêche. «Est-ce que dans cette affaire-là, on est allé au-delà des règles de l'art?, s'interroge-t-elle. Ce qu'on pourrait invoquer dans un contexte comme celui-là, c'est une "défense de consentement". En matière de sports, il y a un consentement implicite. Par exemple, si vous sautez sur la glace, il y a un consentement implicite à une violence qui est inhérente aux sports. Mais la réserve à cela: il faut que la violence soit inhérente et respecte les règles de l'art.»

Les secousses de la mise en échec de Chara ont été ressenties au Parlement fédéral. Interrogé par le NPD sur sa volonté d'agir pour enrayer «l'épidémie de commotions cérébrales» qui touche le Canada, le ministre d'État aux Sports, Gary Lunn, a pour la première fois ouvert la porte à une action gouvernementale. «Ce que j'ai vu hier soir m'a préoccupé au plus haut point, a indiqué M. Lunn durant la période de questions. Ce type de coup est inacceptable. C'est une question qu'on prend très au sérieux.» Plus tard, il a ajouté qu'Ottawa «va faire tout ce qui est possible pour que la LNH ne permette plus ce genre d'action».

En février 2010, le NPD avait demandé la création d'une commission royale d'enquête sur la violence dans le sport. Le parti est souvent revenu à la charge sur cette question, déposant aussi un projet de loi (C-616) pour mettre au point une «stratégie nationale visant à réduire le nombre de blessures graves dans le sport amateur».

La blessure subie par Max Pacioretty mardi a relancé le débat et incité les partis à se positionner — situation qui n'est pas sans rappeler la sortie de Québec en mars 2008 pour dénoncer la charge du gardien de but junior Jonathan Roy contre un adversaire. La ministre Michelle Courchesne avait alors exigé des changements aux règlements dans le hockey amateur.

«Si Gary Bettman et la LNH ne sont pas capables de faire leur travail pour protéger des joueurs de talent, le législateur devra s'assurer lui-même que la patinoire n'est pas une place où l'on peut faire n'importe quoi», a indiqué le député libéral Denis Coderre.

M. Coderre reconnaît que le gouvernement fédéral a un pouvoir d'action limité pour intervenir dans les affaires de la Ligue nationale. Mais il rappelle que le Code criminel s'applique quand même (Todd Bertuzzi a d'ailleurs plaidé coupable d'une accusation de voies de fait en 2004 pour un geste posé lors d'un match entre les Canucks de Vancouver et l'Avalanche du Colorado), et soutient que le Parlement peut exercer de la pression.

Au NPD, on juge qu'il «faut arrêter de faire semblant que le problème n'existe pas».

Angle de 45 degrés

Dans un entretien avec Le Devoir, le Dr Vincent Lacroix, médecin-chef des Alouettes de Montréal et directeur du programme de médecine sportive de l'Université McGill, a mis en relief le fait que, contrairement aux joueurs de football et à l'instar des boxeurs, les hockeyeurs sont «prisonniers» de l'aire de jeu: ils ne peuvent sortir en touche pour éviter un contact. Les limites du terrain devraient donc être les plus sécuritaires possible. «Au lieu de ce poteau coussiné et de ces baies vitrées qui se coupent à 90 degrés aux extrémités des bancs des joueurs, pourquoi ne pas imaginer un angle de 45 degrés qui permettrait de diminuer la force de l'impact?» a commenté le Dr Lacroix.