samedi 1 octobre 2011

La société évolue... mais pas la LNH

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Yvon Pedneault
29/09/2011 07h43 

En principe, selon ce qu’on raconte, Wayne Simmonds, des Flyers de Philadelphie, aurait qualifié Sean Avery, des Rangers de New York, de faggot lors d’un match entre les deux équipes, lundi soir dernier.
L’événement a fait le tour de la Ligue nationale parce qu’il soulève une question d’éthique, mais surtout parce qu’il soulève aussi un problème de société. Ce que Simmonds aurait dit à Avery se traduit par « tu es une tapette ».
La Ligue nationale, par le biais de Colin Campbell, a publié un long communiqué pour insister sur le fait qu’elle ne tolérera jamais qu’un joueur insulte un rival de la sorte et qu’il n’y avait aucune excuse pour qu’on tienne un tel langage. Qu’a-t-on fait alors ?
Campbell avoue avoir regardé la vidéo du match et saute à la conclusion qu’il est difficile de lire sur les lèvres et de conclure que Simmonds avait été irrespectueux envers son rival.

Mardi soir, j’étais à Ottawa quand Brian Burke a tenu à préciser que dans la société d’aujourd’hui – entre autres parce qu’on cherche à éliminer les préjugés –, ce qui s’est passé l’autre soir n’avait aucune raison d’être. Burke, on s’en souvient, a perdu son fils Brendan, qui était gai, dans un accident d’automobile il y a deux ans.
Le directeur général des Maple Leafs participe chaque année au défilé gai de Toronto et il n’accepte pas que des joueurs de la Ligue nationale se comportent comme des homophobes.
« Je ne vois aucune différence entre une personne raciste et une personne homophobe. Il n’y a pas de place pour ces gens dans notre sport. »

MANQUE DE LEADERSHIP

Burke n’a jamais eu peur de ses opinions, sauf qu’il s’est abstenu de commenter la décision de la Ligue.
C’est Colin Campbell, le vice-président des opérations hockey pour la Ligue nationale, qui a été saisi du dossier. C’est sa responsabilité de prendre des décisions et de voir à ce que la Ligue nationale et le sport du hockey respectent les gens, quelles que soient leurs différences.
Or, comme il l’avait fait lorsqu’il était préfet de discipline de la Ligue nationale, il a raté une belle occasion de faire preuve de leadership.
Qu’on ne vienne pas nous dire qu’il faut banaliser de tels propos parce que le sport, c’est le sport et que, dans le feu de l’action, on n’est pas toujours conscient de ce qu’on peut dire sur la patinoire.
D’ailleurs, Simmonds avoue qu’il ne se souvient pas des propos qu’il a tenus. Ce qui n’est pas une excuse.

AVERY: UN DRÔLE DE PHÉNOMÈNE
Le problème, dans ce dossier – et ça ne devrait pas être une porte de sortie pour prêcher le statu quo –, c’est que Sean Avery est l’un des joueurs les plus irrespectueux de la Ligue nationale et qu’il est celui qui porte les accusations.
Même Burke reconnaît qu’Avery est un drôle de phénomène.
Malheureusement, Campbell joue une fois de plus les Ponce Pilate. À partir du moment où Simmonds avoue qu’il ne se souvient plus des propos tenus lors de l’altercation, un doute plane.
Le joueur des Flyers soutient qu’il se dit des choses pas très catholiques dans le feu de l’action, mais que la société évolue et que le sport doit évoluer également.
Dans le doute, on s’abstient, mais dans le cas qui nous intéresse, Campbell doit pousser son enquête plus loin. Qu’il interroge les athlètes, qu’il prenne position plutôt que de ne rien faire.
La NBA n’avait pas hésité à sévir contre des joueurs qui avaient tenu des propos homophobes.
Je pense que Campbell vient de rater une autre occasion de prouver qu’il est un homme de décision. Il a loupé son mandat comme préfet de discipline et il vient de louper la chance de démontrer que le hockey doit évoluer.
La société évolue, le hockey doit emboîter le pas.
Mais encore faut-il des décideurs qui ne manquent pas de courage.

Pas vraiment d’accord avec Brodeur
Martin Brodeur n’est pas d’accord avec la politique de Brendan Shanahan. Il prétend que le vice-président responsable de la sécurité des athlètes nuit au sport du hockey en imposant autant de suspensions. Ah bon?
Il appert que Shanahan est loin de faire l’unanimité.
Qu’il ne fasse pas l’unanimité, je comprends. Mais qu’on l’accuse d’imposer trop de suspensions, il n’y a plus rien à comprendre.
Je suis persuadé que Sidney Crosby endosse les actions de Shanahan. Je suis convaincu que plusieurs grandes vedettes de la Ligue nationale applaudissent aux décisions du vice-président. Depuis le temps qu’on souhaitait voir un décideur imposer sa philosophie et inviter les joueurs à emboîter le pas!
Je cite Brodeur : « Il n’y a pas beaucoup de gens qui s’attardent à ce qui se passe lors des matchs préparatoires. Ce qu’on retiendra donc, ce sont les 12 suspensions décernées. Je ne connais aucun autre sport qui agit de la sorte. »
Aurait-il fallu que Shanahan ferme les yeux sur le geste de Pierre-Luc Létourneau- Leblond, des Flames de Calgary ?
Aurait-il fallu que Shanahan ferme les yeux sur le coup porté par Jody Shelley ?
Aurait-il fallu que Shanahan ferme les yeux sur le coup sournois de James Wisniewski ?

QUE DE QUESTIONS
Brodeur ajoute: « Que se passera-t-il si un joueur étoile atteint par malchance un adversaire à la tête? Sera-t-il suspendu?
Le vainqueur de la coupe Stanley sera-t-il déterminé à la suite d’une décision du préfet de discipline? »
Il s’agit d’une hypothèse.
Le gagnant de la coupe Stanley peut également être déterminé à la suite d’un bâton élevé, d’une pénalité de quatre minutes, pourtant, le coup était accidentel.
On est toujours responsable de son bâton comme on doit aussi être responsable de ses actes.
Et n’affirme-t-on pas que les arbitres devront faire preuve de jugement ?

PAS DES AMIS
La sortie de Brodeur ne m’étonne pas. Martin a toujours été un athlète qui cherche à promouvoir son sport.
C’est un homme très influent auprès de Gary Bettman. Sauf que, dans le cas présent, je ne suis pas convaincu qu’il gagnera beaucoup de points. Je retiens également que les deux hommes n’ont pas toujours été sur la même longueur d'onde.
Lors du lock-out, Shanahan avait créé un comité pour relancer le hockey avec des règlements plus sévères relativement à l’obstruction et à l’accrochage.
Martin Brodeur était un intervenant important au sein de ce comité.
Quelques années plus tard, si je me souviens bien, Brodeur a quitté le comité.
Il n’était pas heureux du tout de son rôle et ne semblait pas tellement aimer que ses interventions tombent parfois dans les oreilles d’un sourd.
Ce n’est pas d’aujourd’hui que les deux hommes ne partagent pas la même philosophie.