vendredi 17 juin 2011

Parité entre le Canadien et les Bruins ? Vraiment ?

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La chronique de Martin Leclerc
Jeudi, 16 juin 2011 11:47
« Toutes les séries montrent bien la parité de la Ligue nationale. Nous sommes passés à un lancer de battre Boston et regarde où les Bruins sont rendus », disait Geoff Molson le week-end dernier alors qu’il assistait au Grand Prix du Canada.
Ces deux petites phrases du propriétaire du Canadien reprenaient un thème que Pierre Gauthier avait abordé dans sa conférence de presse d’après-saison, au lendemain de l’élimination subie aux mains des Bruins. « Nous sommes passés à un but d’une participation à la deuxième ronde et nous ne sommes pas loin de pouvoir aspirer à la conquête de la coupe Stanley », avait alors plaidé le directeur général du Canadien.
Ces affirmations habiles et porteuses d’espoir sonnent sans doute comme de la musique aux oreilles des partisans du CH. Et maintenant que les Bruins ont remporté la coupe, les dirigeants du Canadien seront peut-être tentés de nous les répéter à qui mieux mieux. Or, ce serait une erreur.
Un monde de différence
Dans les faits, la randonnée que les Bruins ont connue pour concrétiser l’ultime conquête a parfaitement démontré qu’il y avait un monde de différence entre les deux équipes.
Le Canadien a bel et bien réussi à pousser les champions de la coupe Stanley jusqu’à la prolongation du septième match, au premier tour éliminatoire. Mais pour y arriver, Jacques Martin a dû surtaxer ses six ou sept meilleurs joueurs à un point tel, qu’il dirigeait presque une bande de morts-vivants lorsqu’il s’est présenté au TD Garden pour diriger le match décisif.
Claude Julien, lui, n’a jamais cessé d’utiliser tous ses trios durant cette première ronde, et c’est justement des joueurs de troisième trio comme Michael Ryder et Chris Kelly qui lui ont permis de passer au travers. Le même scénario s’est reproduit au cours des séries suivantes, particulièrement contre le Lightning et les Canucks, alors qu’on parlait vraiment business sur la patinoire.
Tous ceux qui connaissent le hockey savent que le Canadien n’aurait jamais pu survivre à l’usure de quatre séries éliminatoires (dont trois se sont rendues en sept matchs) comme l’ont fait les Bruins au cours des deux derniers mois.
Claude Julien avait de bonnes raisons de faire confiance à Tim Thomas devant le filet des Bruins. Il y a deux ans, l'entraîneur (à droite) décrochait le trophée Jack Adams alors que son capitaine Zdeno Chara (à gauche) était consacré meilleur défenseur tandis que Thomas raflait le trophée Vézina en plus de partager le Jennings avec le gardien auxiliaire Emmanuel Fernandez. Cette fois-ci, la coupe Stanley l'attendait.
Photo d'archives Reuters
Claude Julien a pu miser sur une contribution constante de ses deux premiers trios en plus d’obtenir 24 buts de la part des attaquants qui composaient ses troisième et quatrième trios. Vingt-quatre buts en 25  matchs éliminatoires ! Ce n’est pas rien. En comparaison, les Canucks – qui étaient pourtant reconnus pour leur profondeur – n’ont obtenu que 13  buts de la part de leurs joueurs de soutien durant leur long périple éliminatoire.
Si le Canadien veut vraiment jouer dans la même cour que les Bruins au cours des prochaines saisons, Gauthier devra donc considérablement rehausser la profondeur de son équipe, son entraîneur ayant souvent de la difficulté à composer deux trios valables.
Les Bruins cette année, et les Blackhawks l’année dernière, ont démontré qu’il faut miser sur trois trios productifs pour aller chercher le gros trophée. Ils ont aussi démontré qu’il faut absolument miser sur des joueurs capables de s’exprimer dans les matchs robustes quand on se rapproche de la coupe. Le Canadien a aussi des croûtes à manger de ce côté.
La victoire de Julien
Cette coupe Stanley des Bruins, leur première depuis 1972, fut en grande partie celle de Claude Julien, qui s’est montré beau joueur lors de son point de presse d’après-match.
Quand on lui a demandé si cette conquête lui donnait l’impression de fermer le clapet des directeurs généraux qui l’avaient congédié dans le passé, Julien a répondu : « Je suis entraîneur depuis 1994 et je n’ai été congédié que deux fois. Ce n’est rien de majeur. Et les deux fois où j’ai été congédié, j’étais entraîneur au plus haut niveau, dans la LNH. Ces épreuves m’ont permis de progresser et de devenir un meilleur entraîneur. Je respecte les deux directeurs généraux qui m’ont congédié parce que je sais que ce n’était pas personnel. »
Peu de gens étaient soumis à une pression plus forte que celle qui reposait sur les épaules de Julien au début des séries. Les dirigeants des Bruins avaient clairement indiqué qu’il jouait son poste et son avenir au sein de l’organisation.
Après avoir perdu les deux premiers matchs du premier tour contre le Canadien, à Boston de surcroît, les médias de Beantown se sont déchaînés contre lui. Ils ont notamment comparé son inertie à celle de Grady Little (l’ex-gérant des Red Sox) pour illustrer à quel point il n’était pas l’homme de la situation.
Pour disputer le troisième match qui allait avoir lieu au Centre Bell, il fallait que Julien ait une confiance absolue en Tim Thomas pour le lancer dans la mêlée. Thomas présentait alors une moyenne d’efficacité de ,891 et le Centre Bell était l’amphithéâtre de la LNH où il avait connu le moins de succès.
Julien a surpris beaucoup de gens, moi le premier, en remettant son sort entre les mains de son vieux gardien au style peu orthodoxe.
Cette décision fut le point tournant des séries. Thomas a répondu en exerçant une troublante et implacable dominance jusqu’à la mi-juin et en s’affirmant comme le seul récipiendaire possible du trophée Conn Smythe.
Les expériences passées avaient sans doute enseigné à Julien que tant qu’à risquer de perdre son poste, il valait mieux faire les choses à sa manière.
Chapeau, Claude !