dimanche 20 mars 2011

Allez Lucian ! Assomme-le !

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Chroniqueurs - La chronique de Martin Leclerc
Écrit par Martin Leclerc   
Samedi, 19 mars 2011 00:13
Mise à jour le Samedi, 19 mars 2011 16:51
L’être humain est un bien drôle d’animal.

Jeudi soir, aux portes du Centre Bell. Quelques centaines de personnes manifestent contre la violence et les coups à la tête qui pullulent dans la LNH. Au passage, des milliers de personnes signent une pétition afin de faire comprendre aux dirigeants de la ligue que la santé des joueurs ne doit plus être mise en péril.

La semaine précédente, un peu plus de 21 000 personnes ont quitté l’amphithéâtre dégoûtées par la mise en échec de Zdeno Chara à l’endroit de Max Pacioretty.

Et depuis, les dirigeants de la ligue sont traqués par tous les médias du continent, qui cherchent à savoir quelles mesures seront prises pour enrayer les commotions cérébrales, qui handicapent les athlètes pour le reste de leur vie.
Samedi soir, Lucian Bute risque de clouer au tapis son rival Brian Magee. Et si cela arrive, tout le public du Centre Bell se lèvera pour acclamer le champion. Pourtant, ces mêmes gens, pour la plupart, dénoncent vertement les nombreux coups à la tête au hockey. Photo Chantal Poirier
Deux poids, deux mesures

Samedi soir, 48 heures après cette manifestation, le même Centre Bell sera presque rempli pour le combat opposant Lucian Bute à l’Irlandais Brian Magee. Et si le porte-étendard d’InterBox parvient – comme prévu – à passer le K.-O. (une sérieuse commotion cérébrale) à son rival et à le clouer au tapis, ils seront tous debout pour l’acclamer !

Même amphithéâtre, même ville. Et les mêmes sièges seront occupés par des amateurs de sport qui trouvent « donc ça effrayant » que la LNH soit si rétrograde et rébarbative à l’idée de régler un problème aussi grave que les coups à la tête et les commotions qui en découlent.

Comme si la vie d’un joueur de hockey et son droit à une vieillesse dénuée de démence et d’Alzheimer valaient plus que ceux d’un boxeur.
En fait, ça vaut la peine de se le demander. La santé d’un hockeyeur vaut-elle plus que celle d’un boxeur ?

Dans notre société, il faut croire que oui. Parce que dans la tête de la plupart des gens, les commotions cérébrales des hockeyeurs sont carrément inacceptables. Aux yeux des amateurs, Sidney Crosby ne devrait jamais risquer d’hypothéquer sa qualité de vie et sa santé pour gagner la coupe ou marquer des buts.

Mais le boxeur, lui ? On s’en crisse totalement qu’il reçoive des milliers de coups à la tête et qu’il subisse 30 commotions au cours de sa vie. Les gens haussent les épaules et répondent que ce sont les risques du métier.

Rencontre des directeurs généraux

Si vous avez un peu suivi les débats des directeurs généraux de la LNH cette semaine en Floride, vous avez peut-être noté que ce sont exactement les deux mêmes courants de pensée qui se sont affrontés.

Il y a des dirigeants d’équipe, comme Ray Shero (Pittsburgh) et Jim Rutherford (Caroline), qui placent la santé de leurs athlètes au-dessus de tout autre intérêt et qui veulent qu’on bannisse purement et simplement les coups à la tête. Mardi, toutefois, seulement quatre de leurs homologues ont voté comme eux sur cette importante question.

Et dans le coin opposé, il y a les 24 autres directeurs généraux, qui croient que l’écrasement du cerveau contre les parois du crâne n’est qu’un risque du métier. Les études scientifiques les font sourciller un peu. Mais pas trop. Ils veulent améliorer la situation, mais à condition que les changements soient imperceptibles. Pas question de changer la façon dont on joue au hockey.

« Il faudrait d’abord définir ce qu’est un coup à la tête », a justifié Lou Lamoriello, des Devils du New Jersey. On croit rêver.

Et il y a plusieurs dirigeants d’équipe qui, comme Brian Burke, se feraient couper le bras droit avant d’accepter la disparition des mises en échec (épaule contre tête) au centre de la patinoire.

« On ne veut pas voir disparaître ces mises en échec ! Si un joueur se fait frapper de cette façon, c’est sa faute ! Il n’a qu’à relever la tête », a-t-il encore plaidé.

Les dirigeants de la ligue peuvent aller sur toutes les tribunes pour dire que les blessures à la tête les préoccupent. Ils peuvent faire tous les sparages et former tous les comités du monde pour étudier cette question. Mais le fait demeure : il y a 80 % d’entre eux qui croient encore qu’il existe des commotions cérébrales « acceptables » parce qu’elles découlent de gestes ou de mises en échec qui sont permis par le livre de règlements !

Bref, ils regardent leurs joueurs exactement comme nous regardons les boxeurs.

Quelle affreuse insensibilité !