mercredi 13 juillet 2011

Place à l'arbitrage salarial

http://www.radio-canada.ca/sports/hockey/2011/07/11/003-briere-arbitrage-lnh.shtml

Un texte de François Foisy

L'opération s'échelonne sur quelques heures. Les deux parties présentent tour à tour leurs arguments en présence de l'autre, face à face, comme au tribunal, puis chacun rentre chez lui.

Parfois, des susceptibilités ont été écorchées, des liens ont été rompus à jamais. Puis, 48 heures plus tard, le verdict tombe.
Ainsi va la vie durant le processus d'arbitrage salarial dans la LNH.

Daniel Brière peut se targuer de bien connaître ce mécanisme, qui permet de régler les différends salariaux entre les équipes et les joueurs autonomes avec compensation.

Après avoir vécu l'expérience deux fois, il pourrait facilement conseiller la vingtaine de joueurs qui se préparent à affronter leurs patrons à Toronto, où se tiendront les audiences du 20 juillet au 4 août.

Cette année, un joueur du Canadien, Josh Gorges, se prévaudra de ce droit. L'audience de sa cause est prévue pour le 28 juillet.

« Le conseil que je donnerais à un joueur incapable d'accepter la critique serait de rester loin de l'arbitrage », dit l'attaquant des Flyers de Philadelphie.
Brière s'est présenté en 2004 et en 2006 devant un arbitre. Chaque fois, il a dû entendre ses patrons de l'époque, les dirigeants des Sabres de Buffalo, étaler des arguments qui, selon eux, justifiaient d'accorder à l'athlète un salaire inférieur à celui qu'il leur réclamait.

« Dans mon cas, ça peut paraître bizarre, mais ça a été une belle expérience, raconte le joueur originaire de Gatineau. Les Sabres ont été gentils à mon endroit, ils n'ont pas essayé de me faire mal paraître. Mais j'ai entendu plusieurs histoires de joueurs qui, au contraire, ont gardé un goût amer de ces expériences.

« Ça dure trois, quatre, peut-être cinq heures, se souvient-il. Par la suite, tu dois attendre la décision durant quelques jours. C'est ce qui est le plus stressant : l'attente.

« C'est sûr qu'ils ont sorti des choses que j'aurais préféré ne pas entendre, poursuit Brière. C'est pourquoi je dis qu'il faut être prêt à recevoir la critique. Sinon, un joueur peut en vouloir longtemps à son équipe. »

Les Sabres respectueux

La première expérience de Brière en arbitrage s'est soldée par une augmentation de salaire avoisinant le million de dollars : la paye du meilleur marqueur de l'équipe est passée de 1,6 million à 2,55 millions. Comme c'est toujours le cas en arbitrage, il s'agissait d'un contrat d'un an.

« Nous sommes très heureux du résultat, avait affirmé son agent Pat Brisson au quotidien Buffalo News par la suite. Ce fut l'un de mes cas les plus faciles. [Les Sabres] ne l'ont pas malmené. Ils l'ont traité avec beaucoup de classe. »

Brière confirme le tout aujourd'hui. « C'est même la fois où ils (les Sabres) ont été le plus respectueux », dit-il.

Deux ans plus tard, Brière se retrouvait à nouveau devant ses patrons et un arbitre. Cette fois, il a fait sauter la banque : son salaire est passé de 1,93 million à 5 millions.

« Chaque fois, la dernière chose que je voulais, c'était me retrouver assis chez moi sans contrat, comme gréviste, explique-t-il. Au moins, avec l'arbitrage, gagne ou perd, tu as un contrat. »

Holik amer

Brière insiste toutefois pour dire qu'il ne s'agit là que de sa propre expérience. En effet, l'attaquant tchèque Bobby Holik, par exemple, n'a jamais digéré les arguments présentés par la direction des Devils du New Jersey à l'arbitre à l'été 2001.

« Le processus lui-même a changé ma façon de voir bien des choses, avait déclaré Holik au New York Times. J'ai su comment ils me voyaient. [...] Ils vous font sentir que vous ne valez pas autant que vous le croyez. Je n'en fais pas une affaire personnelle. Ils font des affaires. Alors, moi aussi. Ils veulent la meilleure main d'oeuvre au coût le plus bas possible. Moi, je cherche à maximiser mon revenu potentiel. La façon dont je le ferai sera en me prévalant de mon statut de joueur autonome. »

Un an plus tard, Holik enfilait le chandail des Rangers de New York.

« C'est sûr que la meilleure chose, souligne Brière, c'est de parvenir à s'entendre avant d'en arriver là. Mais on ne réussit pas toujours. »